lettre au masculin

Oups, I did it again.

Je me suis laissé.e prendre au piège.

Récemment, tu m’as demandé « mais toi aussi, tu as peut-être besoin de support ? ».

À quoi j’ai répondu quelque chose comme « j’ai pas de besoins, je sais prendre soin de moi moi-même » (pas mes mots exacts, mais l’énergie était ça).

Ma réponse a flotté en moi pendant plusieurs jours. 

Après des années de relations plus ou moins co dépendantes où j’avais besoin de l’autre pour me sentir vue/aimée/en sécurité/régulée, je suis rendu.e à un moment dans ma vie où je sais prendre soin de moi seul.e. 

Je n’ai plus besoin que tu me sauves, que tu me résolves, que tu me dises quoi faire, quand et comment manger, me reposer, m’endormir. 

Je n’attends plus de promesses que tu sois là pour toujours, que tu ne m’abandonnes jamais.

J’ai plus peur d’avoir mal. Je suis prête à faire face à la peur que tu partes. Je sais que je ne serai plus jamais seule. 

I got myself, and all the parts. 

Mais je suis retombée dans le piège. 


Forte, empowered, autonome. Et tellement fière de ne plus avoir besoin de l’autre, que je suis en train de devenir une île.

Un jour j’ai lu cette phrase « les hommes sont des îles ».

J’arrête pas de penser à toi et de me dire « enfin, je comprends ».

Je suis un homme, aussi. 

Et c’est beau, ce masculin. Je le chéris, j’ai tellement de gratitude qu’il soit en moi - integré.e. J'ai appris à le reconnaitre, à lui dire merci.

Alone together, together alone.


Pourtant cette semaine, elle est revenue en force. 

Lui peut tenir, oh oui, il sait prendre des décisions, tenir l’espace, prendre soin, structurer, planifier, diriger, rationnaliser.

Je m’ennuie. Je me sens prise. Sur mon île, je tourne en rond.


Pour un nouveau tour de spirale, je me révèle à moi-même. 


J’ai besoin de toi - je te disais souvent. Et j’avais de la honte d’être aussi « needy ».

J’ai besoin de toi aujourd’hui, demain, toujours- je veux te déclarer maintenant, d’une place de confiance. 

La vérité c'est que j’ai des désirs. Une infinité de désirs.

J’ai besoin de ton ancrage pour que je puisse voler. J’ai besoin de ton regard qui témoigne de mon existence. J’ai besoin de tes bras qui m’entourent, de ton corps et ta présence qui me pénètrent, de tes mains pour réveiller ma peau.

Je veux que tu me regardes, que tu me dises les choses qui me font sentir belle, que tu rediriges mon attention à l’intérieur de moi - je veux me permettre que ce soit à propos de moi.


Je veux que tu me donnes la première gorgée de ton latte, que tu cuises un filet de bœuf à la perfection, que tu prépares mes œufs le matin - tournés pas pétés. Je veux que tu m’ouvres les portes - de char, du restaurant -, que tu payes la facture, que tu apportes de l’eau - même quand j’oublie que j’ai soif, que tu portes ma valise, que tu viennes poser mes étagères.

Je veux que tu me désires, que tu m’admires, être allumée par mon reflet dans ton regard et que j’ouvre les vannes, m'abandonner à mon feu intérieur, que tu te taises lorsque mon plaisir entre en éruption, que l’espace que tu tiens se remplisse du silence qui suit ma jouissance.

Je veux que tu restes dormir, le soir.

Je veux qu’on danse, sentir le poids de ton corps contre le mien pour y ressentir ma puissance, tes mains qui guident mon eau, mon feu, mon air. Je veux être multiples, érotique, vivante.

Je veux tes murs à ciel ouvert, la falaise sur laquelle mon océan viendra frapper, le tronc de ton arbre pour montrer le ciel et garder à l’ombre, la proue de ton bateau qui brise la glace de mes eaux, la chaleur de ton feu pour me réchauffer. 

Je veux que tu construises une maison pour que j’y apporte la vie, la joie, le plaisir, les célébrations - un toit pour y tisser une toile, des noeuds et des vides, et tout ce qui est entre les fils. 

Je veux que tu gardes le fort pendant que je m’en vais voyager loin, que tu sois le phare vers lequel revenir. 

Je veux je veux je veux.

Je veux devenir immense.

Je veux t’aimer de façon déraisonnable. 

Je veux te désirer sans qu’on ne puisse jamais atteindre le fond. 

Je veux que tu me prennes pour sentir que j’existe.

Je veux te recevoir, en moi, autour de moi.

Je veux m’offrir. 

J’ai tant à offrir… 


Alors on se regarde, chacun de son coté. Méfiance.

On s’est fait mal. On connaît l’histoire. 

- Qu’est ce que signifie apprivoiser, dit le Petit Prince.
(...)

- C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « Créer des liens… » 

– Créer des liens ?

– Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde…

(...)


À toi, au Masculin, je veux un espace temporaire, une zone franche, un espace de liberté - un temps pour quitter mon île, et redevenir l’océan. 


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being human, human being